• Pourquoi les médias occidentaux calomnient Erdogan ?

    Pourquoi les médias occidentaux calomnient Erdogan ?

    La Turquie est un pays de 80 millions d'habitants : un grand pays, un grand peuple doté d'une Histoire prestigieuse, et une immense civilisation. Or il se trouve que la France, et plus précisément ses médias, insultent les choix de ce peuple, et lui refusent la libre détermination. En effet, Recep Tayyip Erdogan est, ces derniers temps, la cible de toutes les calomnies, et la Turquie est présentée dès lors comme une dictature. 

    On reproche dès lors au Président Turc de vouloir "islamiser" son pays, ce qui serait fondamentalement une régression par rapport à la Turquie telle que fantasmée par Mustafa Kamal Atatürk. 

    Pourquoi l'Occident a peur de la destruction du kémalisme par Erdogan ?

    Mustafa Kemal ou le suprémacisme culturel occidental :

    Mustafa KemalMustafa Kemal Atatürk a voulu, en son temps, réformer la Turquie en déliquescence suite à la chute de l'Empire Ottoman, en la "modernisant" - savoir, en l'attelant à l'Occident. Il rêvait, en effet, d'une "Turquie moderne", où la génération à venir serait pétrie d'idéaux des Lumières, encenserait la Révolution Française de 1789 comme victoire ultime de la "démocratie" laïque contre la monarchie de droit divin, adhérerait au libéralisme séculaire qui piétine les valeurs morales religieuses au profit d'un hédonisme invétéré. En effet, parmi les "6 flèches du kémalisme" insérés dans la Constitution en 19371, figurait le "républicanisme" - par référence, non pas simplement au régime politique de la République, mais également aux "valeurs républicaines" telles qu'inspirées des travaux de la Franc-Maçonnerie Française, et la laïcité, entre autres. En effet, dans son discours à l'ambassade de France du 14 juillet 1922, il disait : "Quoique la grande Révolution française, dont nous lisons les pages sanglantes avec admiration et enthousiasme, ait jailli du cœur de la nation française, ses résultats n’en furent pas moins d’une portée universelle", ceci afin de rapprocher la révolution politique, morale, spirituelle et culturelle qu'il menait à celle de 1789 en France.

    Mustafa Kemal adorait les codes culturels occidentaux et méprisait avec vigueur tous ceux qui sont issus de la culture Ottomane et "arabo-musulmane". Il considérait ainsi que le port du fez, couvre-chef masculin adopté dans l'Empire Ottoman, était "un emblème de l'ignorance et du fanatisme" et lui préférait "le chapeau, coiffure du monde civilisé"2. Il voulait montrer "qu'il n'y a aucune différence entre (nous) et la grande famille des peuples modernes"3, la modernité étant pour lui l'Occident. A ce sujet, il s'est empressé de remplacer l'ancien alphabet Turc qui était proche de l'arabe qu'il considérait comme "des signes incompréhensibles qui depuis des siècles maintiennent nos esprits dans un carcan de fer"4, par un alphabet Turc "moderne", à savoir Latin. Il est donc logique que les Occidentaux aient été ravis, à l'époque, de soutenir celui qui croyait en "leur supériorité" culturelle et qu'il s'inquiètent de la remise en cause de ces fondements par Erdogan, qui ne semble pas prêt à faire autant office de serpillère.

                  Abdulmajid 1er portant le fez.

     

     

    Mustafa Kemal ou la haine de l'islam : 

    Atatürk haïssait la religion, et plus particulièrement l'islam, qu'il considérait, selon une parole qui lui est attribuée par Jacques Benoist-Méchin dans Mustafa Kemal ou la mort d'un empire, "une théologie absurde d'un Bédouin immoral, est un cadavre putréfié qui empoisonne nos vies". Il opposait, ainsi, de façon manichéenne, l'islam à la civilisation (sic). Il prêchait à qui voulait l'entendre, que les Arabes, en apportant, l'islam au peuple Turc, n'avaient fait qu'engendrer l'obscurantisme et les "bains de sang"5. Islamophobe, il considérait ainsi que l'affranchissement de la Turquie de son héritage Ottoman était une chose nécessaire pour qu'elle accède à un niveau plus élevé de civilisation, et instrumentalisait les statistiques sur l'analphabétisme pour démontrer fallacieusement la relation entre la religion musulmane et l'ignorance. Puisque, pour Atatürk, la civilisation était nécessairement occidentale et l'islam une religion d'envahisseurs sanguinaires et ignares, il ne fallait rien reconnaître à la grandeur et aux splendeurs de l'Empire Ottoman, qu'il qualifiait de "reliquat de l'Histoire" dont "rien ne justifie l'existence"6

    La sécularisation et la "laïcité" d'Atatürk ressemblaient, d'ailleurs, davantage à un fascisme islamophobe et à une dictature laïcarde qu'à une réelle séparation entre l'Eglise et l'Etat. S'immisçant dans tous les aspects de la société, il avait interdit purement et simplement l'éducation et les écoles confessionnelles7, véritables foyers d'échanges et de réflexions théologiques et linguistiques où l'on étudiait aussi bien l'Arabe que le Français, le Coran et la Bible, au profit d'une école laïque où l'on inculquait l'idéologie des Lumières et du positivisme. Sous prétexte de "progrès", il avait également restreint le port de vêtements religieux8, dont le voile, ce qui a poussé beaucoup de filles et de femmes à renoncer à l'éducation. Tout héritage religieux de la Turquie a ainsi été aboli, à tel point que le calendrier musulman a été remplacé par le calendrier grégorien9, que le jour du repos hebdomadaire a été institué le dimanche au lieu du vendredi10, qu'il était interdit de prier en arabe et que l'appel à la prière est devenu illégal11 ! 

    Il n'est donc pas étonnant qu'à une époque, où le discours islamophobe est légion dans les médias Occidentaux, on s'inquiète de la montée d'un Erdogan qui risque de remettre en cause les fondements de la République Turque tels qu'institués par le Geert Wilders Turc de l'époque, Mustafa Kemal. 

    Coran Ottoman.

    La projet de réforme de la Constitution par Erdogan est-il vraiment totalitariste ?

    Le moins que l'on puisse dire, c'est que si le programme d'Erdogan est une dictature, les pays occidentaux le sont aussi : 

    On reproche a Erdogan, dans les médias Occidentaux, une virée totalitaire dans son programme de réforme constitutionnelle qui sera voté par référendum le 16 avril 2017. Or la plupart des points sur lesquels se concentrent la critique des médias sont de vigueur dans les pays de ces mêmes médias :

    - Erdogan veut que le Président ne soit déféré devant la Cour Suprême que si une motion recueille 367 voix au Parlement : selon les articles 1 de la loi organique n°2004-1392, la mise en accusation du Président de la République Française conformément à l'article 68 de la Constitution "résulte de l'adoption d'une proposition de résolution par les deux assemblées du Parlement", et que "le rejet de la proposition de résolution par l'une des deux assemblées met un terme à la procédure". Sachant que les votes se font, dans les deux chambres, à la majorité, cela nous donne théoriquement 577/2+1 pour l'Assemblée Nationale + 348/2+1 pour le Sénat, soit un total de 464 parlementaires. Ainsi, alors qu'Erdogan n'exige que 367 voix au Parlement pour engager la procédure de destitution du Président, la France en exige 464 ! Selon la rhétorique médiatique, François Hollande, sous lequel a été adopté le texte en vigueur de cette loi organique, est un plus grand tyran et dictateur encore qu'Erdogan ! 

    - Erdogan veut que le Président nomme les Ministres : aux Etats-Unis, c'est également le Président qui nomme les ministres appelés "Secretary of State". Les USA sont donc une dictature.

    - Erdogan veut que le Président désigne le vice-Président et pas de Premier Ministre : aux Etats-Unis, il n'existe pas non plus de Premier Ministre, il n'y a que le vice-Président, colistier choisi par le Président. Les USA sont une dictature.

    - Erdogan veut qu'un état d'urgence soit instauré en cas de "soulèvement contre la patrie ou d'actions violentes qui mettent la Nation en danger" : en France, l'Etat d'urgence peut être déclaré "soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique", aux termes de l'article 1 de la loi du 3 avril 1955. Or qu'est-ce qu'un "soulèvement contre la patrie", si ce n'est un péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public ? Et que sont "des actions violentes qui mettent la Nation en danger" si ce ne sont "des évènements, présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique" ? Non seulement les médias nous prennent pour des abrutis, mais la France est une dictature selon leur propre logique. 

    Ainsi, nous avons vu que les médias occidentaux insultent l'intelligence de la masse en criant à l'autoritarisme du Président Erdogan, puisque son projet de réforme constitutionnel pioche directement dans des Constitutions de pays dits "démocratiques" comme la France ou les Etats-Unis. 

    Quant au fait qu'on lui reproche de "liquider" l'héritage de Mustafa Kemal parce qu'il accepterait, entre autres, que les écoles confessionnelles soient rehaussées et que les dames puissent porter le voile à l'université, cela n'est pas un grand mal. En effet, Mustafa Kemal n'a pas réussi, malgré sa sécularisation effrénée, rapide, et autoritaire, à faire de la Turquie un peuple de mécréants. Ces derniers sont restés, n'en déplaise aux tenanciers de l'hédonisme et de la déliquescence des valeurs morales et religieuses, profondément attachés à leur moralité et à leur culture religieuse. Le fait qu'Erdogan ait dit vouloir faire de la Turquie "une Nation de croyants" prouve seulement son respect pour son peuple et sa volonté de rehausser l'image de son pays, qui n'était devenu, avec le kémalisme, qu'un piètre suiveur de l'Occident suprémaciste de l'époque. 

    Références : 

    1 - Les 6 flèches du kémalisme : républicanisme, populisme, laïcité, révolutionnarisme, nationalisme, étatisme. 

    2 - Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin

    3 - Ibid.

    4 - Islam et laïcité. Naissance de la Turquie moderne, Bernard Lewis

    5 - Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin

    6 - Ibid.  

    7 - Unification de l'enseignement et suppression des écoles religieuses du 03 mars 1924. 

    - Loi sur les chapeaux et l'habillement, avec interdiction de port du fez et du foulard islamique du 25 novembre 1925. 

    9 - Adoption des systèmes internationaux pour l'heure, le calendrier et les poids et mesures (1925-1931). 

    10 - Islam et laïcité. Naissance de la Turquie moderne, Bernard Lewis

    11 - La Turquie et l'islam, Marcel Colombe

     


  • Commentaires

    1
    Papa
    Jeudi 8 Juin 2017 à 23:01
    Je suis pour le juste milieu ni pour Mustaphak kamal ni avec les idées de Mr Erdoghan. Je préfère le juste milieu comme au Japon, tradition et modernité.
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